Il y a un siècle environ, Frederick Taylor l’américain et Henri Fayol le français ont posé les bases du management moderne. Les « principes du management scientifique » de Taylor, publié en 1911 et « l’administration industrielle et générale » de Fayol publié en 1916 ont largement formalisé, à partir de pratiques en partie existantes, les  principes de management qui ont dominé le 20ème siècle.

Mais que nous restent-ils de ces deux auteurs au 21ème siècle ?  Fayol semble largement oublié sinon méconnu, quand à Taylor, son nom est attaché à expression quasi-péjorative, le « taylorisme », synonyme de morcellement des tâches et d’aliénation de l’ouvrier.

Pourtant, à bien y regarder, ces deux auteurs ne sont peut-être pas si dépassés que cela.

Ainsi, Taylor, le père de l’organisation scientifique du travail, prônait un partage des gains de productivité entre l’entreprise et les ouvriers dans la mesure où ces derniers atteignaient ou dépassait l’objectif. Ce principe est d’ailleurs à la base du « compromis fordiste », Henry Ford considérant qu’il fallait bien payer les ouvriers si on voulait les conserver…et leur vendre une auto !  Aujourd’hui, le partage des gains de productivité reste un élément clé des « accords de compétitivité » passés entre les syndicats et le patronat à côté des clauses de maintien de l’emploi.

Le « taylorisme » selon Taylor lui-même devait s’accompagner de « garde-fous » dans sa mise en œuvre ; par exemple, il préconisait de ne pas isoler les mécanismes (division du travail) de la philosophie de la méthode (en particulier, comme on l’a évoqué, répartition équitable des gains). Il insistait sur le fait qu’il ne fallait pas tenter de changer trop rapidement le management d’une organisation, ce qui reste tout à fait d’actualité au vu des difficultés que rencontrent des entreprises telles que France Télécom, l’ex-Orange, en France. De même si l’on considère les nombreux problèmes soulevés par les fusions d’entreprises, une sur deux n’aboutissant pas au résultat espéré.

Par ailleurs, Taylor soulignait l’importance de la formation du personnel pour la survie de l’entreprise, un argument qui était en avance sur son temps, car aujourd’hui les compétences sont qualifiées de stratégiques. Pour étendre les compétences de l’entreprise, Taylor préconisait l’ouverture de l’entreprise sur tout ce qui se fait ailleurs… on parle aujourd’hui d’ « Open Innovation ». Il encourageait le recours à une expertise externe, tels les consultants, pratique jamais démentie depuis…

Quand à Fayol, qui s’est plutôt intéressé aux cadres et aux problématiques de management, il a posé dès le départ les bases de la stratégie d’entreprise, en particulier la nécessité d’assurer la cohérence entre une vision à long terme (10 ans à son époque, bien moins aujourd’hui, même si cela reste fonction du secteur industriel) et des préoccupations opérationnelles de court terme. Ce besoin de cohérence reste central pour les managers des années 2000.

Par ailleurs, Fayol a aussi prôné la division du travail pour améliorer la productivité, division qui reste un élément d’efficacité dans les organisations d’aujourd’hui, un employé ayant besoin de mesurer sa contribution personnelle aux processus. On y ajoute l’enrichissement des tâches.

Les expressions d’ « autorité » et de « discipline » chères à Fayol peuvent sembler quelque peu démodées. Cependant la notion de « leadership » recouvre bien une forme d’exercice de l’autorité par un manager, et les « valeurs » et autres chartres éthiques d’entreprises sont autant de moyen d’assurer la discipline, indispensable au fonctionnement de l’organisation comme l’avait spécifié Fayol, même si elle s’exerce de manière plus subtile et indirecte de nos jours.

Enfin, Fayol a posé très tôt la problématique de l’intérêt général rapporté à l’intérêt particulier en appelant à la subordination du second au premier. Un message d’actualité, car cela constitue de nos jours un des fondements des règles de « bonne gouvernance » …remises en valeur depuis la crise de 2008…

 

 

 

 

|Kamel Lama – 2019|