La coopération, le partage, la virtualisation des espaces de travail sont à la mode. Pas un patron du Cac 40 qui ne mette en avant aujourd’hui la stratégie de « digitalisation » (traduisez : numérique) de son Groupe.

L’objectif est de renforcer « l’agilité » de l’entreprise en donnant aux collaborateurs les moyens de travailler plus vite, en particulier en renforçant leur capacité à coopérer.

Il s’agit non seulement de produire mais aussi d’innover collectivement grâce aux outils de travail « en ligne », agendas, traitements de texte, tableurs et logiciels de présentation pour l’essentiel, et aux réseaux sociaux internes, tout en utilisant tous les canaux de communication, voix, images, données, portés par la banalisation des outils de visio-conférence, de chat, de e-mailing, etc.

Si l’on considère ce qui fait le « cœur » d’une révolution industrielle, on peut considérer qu’aujourd’hui c’est la mise en réseau des intelligences qui caractérise celle que nous vivons. Après avoir tout amélioré, tout optimisé, le réseau devient la source majeure des gains de productivité des entreprises.

La coopération est à la mode, on découvre qu’elle peut constituer un avantage compétitif majeur et une des meilleures réponses qui soit aux défis de la complexité et de l’interconnection mondiale. Les start-up du net, bâties sur des modèles économiques où le partage est roi, se développement dans nombre de secteurs de l’économie « traditionnelle » telle l’hôtellerie, les transports, les voyages, la banque, l’assurance,… et ébranlent les Groupes les plus installés qui réalisent qui leur faut à leur tour adapter leurs business models ou mourir comme Kodak et tant d’autres.

Microsoft, IBM mais aussi Google qui découvre le marché de l’entreprise, et de multiples acteurs, rivalisent pour offrir leur « cloud », c’est-à-dire la possibilité pour une entreprise de ne plus posséder en propre d’infrastructures informatiques, logiciels et serveurs, mais de louer ces équipements en fonction de ses besoins et donc de réaliser très rapidement de substantielles économies.

Cependant, l’objectif de l’entreprise ne se résume pas à réaliser des économies, d’autant que le Cloud peut aussi réserver son lot de surprises, comme la non-utilisation d’applications prévues dans l’abonnement ou même les coûts de migration. Sans compter que la protection des données reste un enjeu majeur, nécessairement coûteux, l’exigence des entreprises allant croissant en la matière.

Pour les acteurs économiques, il s’agit surtout de modifier en profondeur les façons de travailler au sein de leurs organisations en valorisant la collaboration et la mobilité, le Cloud permettant d’avoir accès, avec un simple navigateur, en tout lieu et tout temps, à son « bureau de travail virtuel ». Selon les études les plus récentes, plus de 80% des entreprises françaises déclarent vouloir mettre la mobilité au cœur de leur stratégie numérique.

Cependant, « l’usine digitale » n’est qu’un moyen en soi ; la collaboration sans l’adhésion des… collaborateurs est un leurre. Le top management pratique en quelque sorte une « injonction paradoxale » en installant les moyens pour plus de coopération, tout en favorisant l’isolement des salariés, en particulier en raison de l’individualisation des performances. La culture de nos sociétés, pétrie dès l’école de compétition et d’individualisme, peut constituer un frein à l’esprit de coopération et de partage, au sens propre puisque le Cloud permet de travailler sur un même document à plusieurs. Qui voudra partager ses données, ses connaissances ? La coopération implique la confiance, mais aussi la réciprocité, la fierté d’appartenance, l’ambition de participer à une œuvre commune. Elle doit donc s’accompagner de sens, et ça, ce n’est pas dans le Cloud qu’il faut le chercher… mais la coopération peut s’apprendre, à condition que la Direction donne l’exemple !

 

 

 

 

 

|Kamel Lama – 2019|