Le BigBig Data Data n’est pas le « Cloud », les deux sont plutôt complémentaires du point de vue de l’entreprise. Quoique nécessitant les mêmes technologies de transfert et de supports des données, il s’en différencie par son caractère « non organisé ». Les données sont dites « non structurelles ».
Le Cloud constitue un espace ordonné tel que voulu par ses utilisateurs. Le Big Data est une nébuleuse de données alimentée par de nombreux capteurs. Toute requête sur internet via un moteur de recherche, tout achat sur un site marchand, toute participation à un réseau social, tout usage d’un objet connecté alimente la nébuleuse de données. Sans oublier les informations fournies par les outils mobiles dont nous sommes progressivement devenus dépendants tels les téléphones, les cartes bancaires, etc. Et aussi les données issues des « corps connectés », qui connaîtront une croissance phénoménale…à l’échelle de la population de la planète, tout au moins dans ses zones les plus riches.
Ces « zettaoctets », 21 zéros après le 1, stockés dans des millions de serveurs, abrités dans d’immenses hangars climatisés ou situés aux Pôles, gros consommateurs d’énergie, représentent un véritable défi pour les entreprises, qui sont à la fois émettrices et réceptrices de données.

Ce défi s’articule autour de quatre enjeux majeurs :
Un enjeu stratégique : comment faire face aux menaces potentielles et développer une stratégie gagnante ?
Un enjeu technologique et humain : quelles technologies faut-il maîtriser ? Quelles compétences seront nécessaires ?
Un enjeu marketing : que faire de cette connaissance intime des besoins du client induite par la collecte de données ?
Un enjeu éthique : quelles sont les limites éthiques, internes et externes, à l’usage des données ?

L’enjeu stratégique est de taille.

Le Big Data peut être générateur de risques majeurs pour l’activité de toute entreprise. Le risque de rupture stratégique ou « disruption », qui résulte de la convergence des technologies et de la profonde transformation des modes de consommation constitue une menace pour les entreprises « installées » au profit de nouveaux entrants bâtis sur un modèle économique différent. C’est le cas en particulier des « pure players » d’Internet qui redessinent à leur profit la chaîne de valeur de secteurs d’activités entiers.
Ainsi les Assureurs peuvent s’inquiéter à juste titre de la collecte massive de données personnelles par Google, car cela peut permettre à ce dernier de proposer de la prévention et des produits… d’assurance. Dans un autre domaine, un site comme Air BnB développe une connaissance très fine de ses clients, ce qui lui permet de fixer avec beaucoup plus de précision qu’un Groupe Hôtelier ses tarifs, il vient d’ailleurs d’acquérir une start-up spécialisée dans l’exploitation des données issues de la planification de circuits touristiques par les internautes.
Mais le Big Data ne peut se résumer pour l’entreprise à une menace majeure. Il constitue aussi une formidable source d’opportunités pour les organisations et sauront, se transformer. L’enjeu est la capacité à refonder le modèle économique qui a fait la réussite de l’entreprise dans le passé mais n’est plus adapté aux bouleversements actuels.
De ce fait, le Big Data implique de définir une véritable stratégie. Pourtant, nombre d’entreprises ne le font pas. Il est pourtant nécessaire que l’entreprise définisse sa propre stratégie de captation et d’analyse des données. Elle doit se doter de la capacité à extraire les données, pertinentes pour sa stratégie, de la chaîne de valeur, ce qui inclue les données internes, clients, partenaires. Elle doit aussi acquérir les outils et les compétences pour exploiter au mieux ce gisement de potentialités que sont les données collectées massivement. Le déploiement de projets pilotes, l’intégration des données, une organisation nouvelle et l’implication des collaborateurs pourront ainsi s’insérer dans un cadre clair. Cela facilitera aussi le fonctionnement en boucle d’apprentissage car l’analyse des données permettra à l’entreprise d’apprendre des choses nouvelles sur elle-même.
La stratégie « data driven » repose sur l’espoir de maîtriser les facteurs qui feront la différence dans l’environnement hyper concurrentiel qui caractérise la plupart des marchés aujourd’hui.
Divers leviers de différenciation doivent permettre aux entreprises de créer de la valeur grâce au Big Data. Il s’agit tout d’abord de développer une vision commune pour guider l’action et générer de la valeur et s’assurer de l’alignement entre l’orientation « analyse des données » et la création de valeur. En termes de management, le partage de connaissances et la collaboration sont au cœur d’un nouveau modèle économique qui doit être capable d’intégrer les équipements et les applications. Mais tout cela ne peut fonctionner qu’en favorisant une nouvelle culture basée sur la décision factuelle (« ce que les données disent ») et des relations de confiance entre les différentes parties prenantes à la chaîne de valeur.

L’enjeu technologique et humain prime.

Il n’y aura pas de stratégie gagnante pour les entreprises qui ne maîtriseront pas les technologies et les compétences requises par l’exploitation du Big Data. Ce « déluge » de données numériques ne pourrait pas être valorisé sans les technologies appropriées. Technologies de stockage des données tout d’abord, en particulier le Cloud qui permet aux entreprises de s’affranchir des contraintes d’investissement en sous-traitant le stockage à un tiers qui garantit ainsi la « scalabilité », c’est-à-dire l’ajustement continu de la capacité de stockage aux besoins.
Le progrès dans le stockage s’est accompagné de fortes innovations dans le domaine des outils de traitement des données. Ainsi, en parallèle à l’explosion des quantités de données, ont émergé de nouvelles applications de base de données telle Hadoop de Google, programme open source qui est la référence du domaine, adaptées aux données non structurées du Big Data, ainsi que de nouveaux modèles de calcul.
Tout cela implique d’acquérir les compétences qui permettront à l’entreprise de maîtriser ces outils même si de nombreux acteurs privés proposent leurs services. On assiste d’ailleurs à l’émergence, en France, d’un véritable « éco-système » autour du Big Data, avec des acteurs majeurs sur toute la chaîne de valeur. Ce nouveau secteur économique connaît un taux de croissance de 30% par an !
Ainsi, pour que l’entreprise puisse en saisir tout le potentiel, elle doit faire du Big Data une priorité stratégique.

L’enjeu marketing est lui aussi crucial.

Avec le Big Data, le marketing aborde une nouvelle ère de son développement. La connaissance « à 360 degrés » du client-consommateur, que l’on peut « tracer » tant au niveau de ses achats sur le web et en magasins qu’au travers de ses interventions sur les réseaux sociaux, autorise d’anticiper au mieux ses besoins et de lui offrir l’offre la plus adaptée. Le marketing « data driven » se fait de plus en plus prédictif et la mise au point de modèles de comportement de plus en plus fin promet des offres de plus en plus personnalisées. Cependant, la segmentation plus fine de la clientèle ne doit pas aboutir à une « sur-segmentation » contreproductive. Ce sont là les limites de l’analyse, elle intègre malgré tout une marge d’erreur, les données ne peuvent être considérées comme fiable à 100%…

L’enjeu éthique s’articule autour de quatre problématiques concernent directement les entreprises.

1 – la protection des données de leurs clients est d’une importance cruciale car, aussi avancées soient-elles en termes de systèmes informatiques, les entreprises ne sont pas à l’abri d’un piratage de leurs données par un « hacker ». Les évolutions technologiques permettent d’entrevoir des protections de plus en plus performantes, jusqu’à la protection intégrée à la donnée…mais l’histoire récente a démontré que les pirates savent eux aussi évoluer…
2 – de nombreux prestataires proposent des services très complets de collectes et de traitement des données… se pose alors le problème de la maîtrise des données par l’entreprise. Il peut d’ailleurs s’agit d’intermédiaires positionnés sur la chaîne de valeur qui se sont rendus quasiment incontournables tels Booking.com qui détient plus de données sur les voyageurs que les hôtels où ces derniers vont séjourner.
3 – les entreprises doivent aussi respecter la vie privée. Un projet de réglementation européenne donnera bientôt un cadre plus adapté au Big Data que les lois actuelles.
4 – l’analyse prédictive, donc la capacité à prévoir à partir de l’analyse fine des données, est une des composantes clés du Big Data. Des entreprises comme Amazon sont pionnières dans ce domaine. Mais l’analyse prédictive ne s’arrête pas au commerce, elle concerne aussi un domaine plus sensible qui est celui de la santé. Jusqu’où peut aller une entreprise dans ce domaine sans violer le respect de la vie privée ?
D’une manière générale, avec le Big Data, on peut prédire une évolution en profondeur des organisations et des modèles internes de travail. De nouveaux métiers vont apparaître et créer de nouvelles dynamiques de pouvoir au sein des entreprises que les directions des ressources humaines doivent anticiper…le débat autour de « qui crée la valeur » n’est pas clos… d’autant que de nouveaux acteurs vont s’approprier des pans entiers de la chaîne de valeur dans de nombreux secteurs économiques…un Big Bang en somme…

 

[Kamel Lama – Médialude – 2016]