L’impératif de compétitivité conduit l’entreprise à améliorer sans cesse les technologies de son cœur de métier. Mais face à l’exacerbation de la compétition, cela ne peut plus suffire. Il lui faut aussi identifier de nouveaux marchés, se différencier de la concurrence, et même sortir des « sentiers battus » pour définir de nouveaux produits et modèles économiques. Il s’agit de devenir « disruptif ».
Dans un monde où tout s’accélère, la réduction du « time to market » devient un impératif stratégique majeur. Cela implique de réduire le délai entre l’idée, qui reste au stade de l’invention tant qu’elle n’a pas rencontré son marché, et l’innovation, stade de viabilité commerciale. Mais réduire ce « cycle de l’innovation » n’est pas aisé ; les chercheurs peuvent améliorer leur efficience sur une bonne partie du cycle en travaillant en mode projet ; cependant, s’agissant de créativité, créer la rupture au sein d’organisations matures n’est rien moins que difficile…
L’idée centrale de l’« innovation ouverte » est de considérer que, dans un monde où le savoir est largement partagé et diffusé, et où le client veut de plus en plus être partie prenante dans la définition des produits, il n’est plus possible pour l’entreprise de s’appuyer uniquement sur son potentiel interne de recherche. Il lui faut tenter de capter d’autres « gisements de créativité ». Le concept d’ « open innovation » a été forgé par H. Chesbrough dans un ouvrage où il recense des méthodes permettant à une entreprise d’innover en s’ouvrant sur l’extérieur.
La simple « boîte à idées » permettant de recueillir les idées de clients constitue en soi le premier pas de l’innovation ouverte. Dans sa forme étendue, cela donne le « crowdsourcing », ou « collaboration ouverte », c’est-à-dire le recours à des communautés virtuelles de clients pour susciter la génération d’idées nouvelles. Cela peut marcher de manière « active » : l’entreprise sollicite ses clients consommateurs. Cela peut aussi reposer sur une démarche dite « passive » en ce sens qu’il s’agit alors d’analyser ce qui se dit sur les réseaux sociaux pour en inférer des idées qui pourront conduire à une innovation.
Lorsqu’il a initié sa démarche d’innovation ouverte, le Groupe Seb s’est d’abord appuyé sur des partenariats avec la recherche académique, des start-up, des sous-traitants ou même des entreprises aux métiers complémentaires. Ce fut le cas avec L’Oréal pour mettre au point un nouveau lisseur de cheveux. Dans un second temps, il a ouvert un site dédié aux inventeurs : « innovate with Group SEB », afin de capter les nombreuses idées que suscite le domaine du petit électroménager. À condition que l’invention conduise à une innovation, le site prévoit explicitement un partenariat préservant les intérêts de l’inventeur.
Air Liquide, avec 5 700 collaborateurs qui contribuent à l’innovation, dont 1 100 chercheurs, dépose près de 300 brevets par an. L’entreprise a ressenti elle aussi le besoin de « sortir de la boîte » en lançant un programme d’innovation ouverte en créant son « écosystème de l’innovation » autour de laboratoires, de chercheurs, de start-up, etc.
Et bien d’autres Groupes le font tels Shell et son programme au nom si explicite : « GameChanger program » car il s’agit bien pour toutes ses entreprises de changer les règles du jeu à leur profit !
Une étude menée auprès des 60 plus grandes entreprises françaises a montré qu’elles considèrent, pour plus de la moitié d’entre elles, que l’innovation est le premier levier de création de valeur et qu’elle ne peut se limiter aujourd’hui à la R&D interne. Si 90% de ces entreprises considèrent l’ « open innovation » comme un moyen d’accès à de nouvelles expertises et d’accélération du processus d’innovation, elles sont aussi nombreuses à redouter les problèmes liés à la propriété intellectuelle.
Le processus d’innovation ouverte s’impose progressivement comme un complément de la R&D. Cependant il ne peut s’improviser et doit s’appuyer sur des compétences nouvelles en termes de management des interactions entre parties prenantes, et de protection juridique.

 

 

 

 

 

 

|Kamel Lama – 2017|