Le « Storytelling » ou art de conter une histoire a gagné ses lettres de noblesses à partir des années 80 en politique et en communication.

Il est issu d’une tradition vieille comme le monde qui voit les premières sociétés humaines se bâtir sur des mythes qui sont autant de récits fondateurs. Il répond à une demande très fondamentale de l’être humain où l’on retrouve le fameux « raconte-moi une histoire » du Petit Prince. Les grands orateurs savent d’instinct répondre à cette demande, comme Martin Luther King avec son fameux « I have a Dream… » et Obama qui ne manque jamais une occasion de raconter une histoire pour émailler ses discours.

Le Storytelling est pratiqué en politique où beaucoup de leaders s’entourent ainsi de « spin docteurs » ou « façonneurs d’image » dont la mission est de bâtir le mythe autour d’eux. Cette évolution peut poser des questions d’éthique à partir du moment où le désir de se mettre en scène prend le pas sur la vérité.

Le Storytelling est aussi largement utilisé par les entreprises pour communiquer avec l’idée sous-jacente que « l’émotion est la clé ».

La célèbre publicité qui met en scène le « cancre » Guy Dégrenne qui dessinait à l’école au lieu d’écouter a marqué les esprits… Cependant, le Storytelling n’est pas un outil miracle.

  • Quoi qu’il fasse appel à un besoin atavique d’histoires, il doit construire son récit en respectant quelques règles :

    ·       authenticité : le but n’est pas de cacher la vérité ; plus que jamais, pour capter son public l’authenticité est nécessaire ;

    ·       vulnérabilité : l’orateur ne doit pas se contenter de narrer les exploits de « super » hommes ; tout au contraire, partager un échec permet de toucher bien mieux le cœur de ceux qui écoutent ; il peut s’agir ainsi d’établir une « proximité » ;

    ·       crédibilité : le Storytelling sera d’autant plus efficace que le narrateur est crédible par rapport à son sujet ; tous les orateurs et les formateurs professionnels savent qu’il ne faut pas chercher à masquer un manque de connaissances par une histoire ;

    ·       sens : si le but du Storytelling est d’aller par-delà les faits bruts, il n’en reste pas moins que l’auditoire attend que l’histoire racontée soit reliée à ses propres préoccupations du moment, le Storytelling doit véhiculer du sens ;

    ·       métaphore : il peut être efficace d’illustrer son propos par une métaphore, c’est-à-dire une figure de style basée sur l’analogie qui permet une expression imagée, courte et percutante. Par exemple, pour introduire la problématique du cadre de référence et des difficultés de communication que la différence de cadre provoque, on peut raconter la métaphore classique suivante : deux personnes sont dans un ballon ; la première demande « où sommes-nous ? », la seconde répond « dans un ballon » …

    En respectant ces conditions de base, le manager peut utiliser le Storytelling pour renforcer l’efficacité de sa communication, en fonction de ses objectifs.On peut utiliser le Storytelling dans le cadre quotidien pour mieux capter son auditoire en commençant une réunion par une petite histoire. Cette dernière pouvant être soit une anecdote réelle de la vie de l’entreprise (adaptée et anonyme) soit une histoire lue par ailleurs (en liaison avec le sujet de la réunion).

    Au cours d’un séminaire de formation, le Storytelling peut être utilisé selon deux modes :

    ·       on peut narrer des histoires réelles internes ou externes ou des métaphores pour sensibiliser à un sujet.

    ·       on peut aussi demander aux participants de raconter leur propre expérience sous la forme d’une histoire personnelle ou impersonnelle s’ils le font en groupe, le but étant de faciliter l’expression. Cela marche très bien et pour tous niveaux. Surtout si, à l’instar des ateliers d’écritures, on ajoute quelques contraintes d’écriture.

    Cela permet de dédramatiser les choses lorsque la narration porte sur une mauvaise pratique. Les personnes peuvent utiliser le « je » ou prendre de la distance en racontant l’histoire comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. C’est souvent très riche, la condition impérative étant une écoute bienveillante.Un usage ludique du Storytelling : organiser une « murder party » où une histoire est proposée à un groupe avec un « meurtrier » à découvrir… dans le cadre de l’entreprise, cela peut s’intituler par exemple « qui a tué la qualité ? ». Les indices sont disséminés dans les différentes histoires soumises à la sagacité des participants. le « qui » ne désigne pas une personne bien sûr, mais plutôt, une attitude négative, un processus peu efficace, etc.

    Le Storytelling peut se révéler être un excellent outil de management propre à mobiliser les équipes… car, « comme le lapin, l’homme s’attrape par les oreilles » (Mirabeau).

    [Kamel Lama]